lundi 20 janvier 2014

Bons baisers du Brésil

Je suis allé vendredi dernier au concert de Marcio Faraco. Il faisait froid, il pleuvait et à 17 heures déjà il faisait nuit. Je suis entré dans le Hangar 23, et je me suis assis à ma place. Après une brève attente, la salle s’est éteinte, et la scène s’est allumée. Doucement, les musiciens se sont glissés sur scène, et après que Marcio ait adressé un rapide « bonsoir » avec son accent brésilien, la musique a commencé.





Des percussions d’abord, puis des notes de guitare légères : comme si les cordes étaient à peine effleurées. Je tends un peu plus l’oreille, et je distingue maintenant le son clair du cavaquinho. Et d’un coup, surgissant de nulle part, une voix douce, calmement, donne un visage à la mélodie. Nous voilà maintenant en plein cœur du Brésil, au milieu d’un pays plein de charmes empli de mystères. Tout est très léger, très aéré et la musique suit son cours imperturbable, comme une rivière qui coule. Il s’agît d’une rivière justement, parce que maintenant Marcio chante Douro, une chanson qui mime le mouvement du fleuve portugais. Retour aux sources de la langue, donc ...

Peu à peu, mon cœur triste se réchauffe, et je ne peux contenir un large sourire qui semble amuser mes voisins. Mais attention, détrompez-vous, la musique brésilienne ce n’est pas que l’expression de la joie. Je souris maintenant c’est vrai, mais ce n’est que superficiel, et quelque part enfoui dans mon âme se réveille doucement un soupçon de tristesse.

Ce n’est que plus loin dans le concert que je vais comprendre cela. Entre deux chansons Marcio nous révèle que sa musique est à la conjonction du sucré et de l’amer. La joie n’est qu’apparente.

Je vous le demande : comment mieux synthétiser l’esprit brésilien ? Cet esprit qui n’a pas peur de la douleur et qui ne craint pas la souffrance. Cet esprit optimiste enfin, qui sourit devant l’épreuve, et qui danse devant la mort.

Cette musique est en quête d’un véritable raffinement. Mais ne vous trompez pas : elle n’est pas complexe. C’est tout le contraire en fait. La bossa nova est à la recherche de la simplicité. Elle est un retour à l’essence des choses, un retour vers l’âge d’or de la mythologie. Et si Marcio se met à nu devant nous, s’il nous ouvre son cœur dans ce qu’il a de plus sincère, c’est qu’il veut retrouver ce paradis perdu. 

Toutes ces remarques tiennent en fait en un seul mot : saudade. Ce mot intraduisible évoque l'émotion qui oriente toute la musique et toute la littérature lusophone. Dans un mélange de nostalgie et de mélancolie, il s'agit d'un sentiment profond qui renvoie à l’idée de la perte de quelque chose qu’on ne peut pas remplacer: une certaine plénitude, que l’on a à jamais laissée derrière nous. Alors Marcio chante, alors il plaisante, il se cache derrière une fausse légèreté. Parce qu’au fond du fond, il est triste. 

Voilà, je viens d’assister à un concert époustouflant. J’ai dit beaucoup de choses, beaucoup trop peut-être. Et maintenant que les applaudissements retentissent dans la salle, et qu’il me faut retourner à mon quotidien glacial, il me reste dans mon esprit comme un goût amer. Je pourrais écrire des pages là-dessus, sans parvenir à vous faire comprendre ce que je veux dire. Il n’y a qu’une seule solution pour cela : installez-vous confortablement, augmentez le volume, et fermez légèrement les yeux. Tiens ! Tu vois ce que je veux dire ! Tout est là, simplement devant toi. Alors n’attends plus, et laisse toi porter au loin.

Saravah Marcio ! 

Pour en savoir plus :
  • http://www.marciofaraco.com/
  • https://itunes.apple.com/fr/artist/marcio-faraco/id134798

Louis de Survilliers.